Fantastique, November 2010
Radio-France webletter, n° 409
Radio-France webletter, n° 409
Vincent Paulet, un volcan souterrain
L’Orchestre Philharmonique de Radio France créera Volcaniques de Vincent Paulet le 19 novembre prochain, salle Pleyel.
Vincent Paulet, je crois que votre nouvelle partition, Volcaniques, est le produit d’une commande assez ancienne...
En effet, il s’agit d’une commande de Radio France datant de 2002, époque où René Koering était directeur de la musique. Radio France, contrairement à ce qui se passe dans de nombreuses institutions, attend, avant de les programmer, de recevoir les œuvres qu’elle a commandées. C’est une démarche que j’apprécie, qui permet au compositeur de ciseler sa partition, mais qui est dangereuse quand on tombe sur un perfectionniste comme moi, qui doute et se remet toujours en question, qui relit toujours deux cents fois son travail ! Quel que soit mon degré d’inspiration, la composition musicale est toujours pour moi quelque chose de douloureux.
Ce qui veut dire ?
Que j’éprouve de l’angoisse à composer, mais que je ne peux pas m’en empêcher. D’abord, parce que je ne sais faire que ça, ensuite parce que j’espère que ce que je fais est utile. Mais je m’impose des horaires de bureau pour ne pas me disperser, pour ne pas trouver de prétexte pour faire autre chose. Ce qui ne m’empêche pas de passer quelquefois une semaine sur une note ou deux semaines sur une mesure. Je pratique le doute méthodique.
Vous dites que ce que vous faites vous paraît utile : la musique, comme d’ailleurs l’art en général, n’est-elle pas au contraire ce qui, par définition, est inutile ?
D’abord, la musique que je fais m’est utile, à moi. J’en ai besoin. Et puis, je sens qu’il est nécessaire, salutaire, de transformer la vie quotidienne, qui avec ses limites a quelque chose de dérisoire.
Comment avez-vous fini par terminer Volcaniques ?
Volcaniques est une partition que j’ai écrite en différentes périodes. Tout s’est mis en place un peu à la fois, sachant que les contraintes de départ étaient peu nombreuses : composer une œuvre pour orchestre d’une durée comprise entre quinze et vingt minutes. Je travaille sans plan prédéterminé. Les idées déterminent la forme et la façonnent. Au début, tout paraît très simple, la mécanique répond à l’imagination ; les difficultés surgissent par la suite ! Il est loin le temps où, comme au XVIIIe ou au XIXe siècle, l’architecture des œuvres était préfabriquée. Il s’agit aujourd’hui d’inventer à chaque fois une forme nouvelle. Pour Volcaniques, je suis arrivé à une forme en trois mouvements, vif-lent-vif, les deux derniers étant enchaînés, bien qu’il y ait du silence après chacun des deux premiers. Le premier mouvement est une énigme, quelque chose de nerveux et d’agité. Les deux suivants sont une réponse avec, dans le deuxième mouvement, deux grandes parties mais aussi une procession faite de différents costumes et un vaste crescendo ; et, dans le troisième, trois sections dont une section centrale immobile sur une pédale de contrebasses.
Vous parlez de procession, de costumes : s’agirait-il de musique à programme ?
Non, mais j’ai un tempérament assez visuel, et ce type d’image m’aide à fixer mes idées musicales. Quant au titre, c’est l’expression d’une synthèse, qui m’est venue plus tard, sachant que dans le deuxième mouvement, le volcan est souterrain.
Ecrivez-vous au piano ou directement pour l’orchestre ?
J’écris devant un piano mais pas exactement pour le piano. Généralement, je fais d’abord un condensé sur deux, trois ou quatre portées, puis j’orchestre. Mais je vais dans l’avenir tenir de plus en plus compte du timbre, qui n’a jamais été structurel dans ce que j’ai fait jusqu’à aujourd’hui mais qui pourrait le devenir. Je n’appartiens pas à une esthétique de la rupture. Ma musique est thématique, harmonique, mélodique, elle ne répugne pas à cultiver la pulsation rythmique. On oublie trop souvent, dans nos débats franco-français, de parler d’art, on parle trop de technique. Je ne m’interdirai jamais un accord parfait s’il donne un sens à ma partition.
Propos recueillis par Christian Wasselin