La opinión de Granada, 28.06.07
Traduction
L’imaginaire français a toujours été captivé par ce qui a trait à l’Espagne ; tant la littérature que la musique regorgent d’impressions et de témoignages ayant donné naissance à des stéréotypes, des poncifs et parfois à des ouvrages qui, davantage que de revendiquer une véritable identité espagnole, révèlent le regard que leurs auteurs pouvaient porter sur l’Espagne.
Ainsi, après une lignée allant de Lalo à Ohana (grand absent du festival), c’est à présent à Vincent Paulet de prendre le témoin du compositeur français de musique d’inspiration espagnole ; encore qu’après l’audition d’ « Otra noche, recordando a Manuel de Falla », il apparaît que Paulet n’est en réalité pas sur la même longueur d’ondes, éludant les poncifs comme il le fait et créant dans cette pièce un univers sonore personnel sur la base de motifs fragmentaires issus de l’oeuvre de Falla.
Cette musique est possédée par une sorte d ’apesanteur, par laquelle ces cellules élémentaires semblent dériver au sein d’un espace clos, mais aux possibilités illimitées. Tout se passe comme si la vision de Falla s’opérait à travers d’un caléidoscope sonore. L’écriture se transforme en un mécanisme par lequel la sensation d’éternel retour provoque une inquiétude nocturne aigre-douce d’une musicalité innée. Subtilement omniprésent dans la partie de piano, le ressort harmonique, par son mode de fonctionnement, y est pour beaucoup. Le pianiste Waleson, un musicien aux multiples facettes, est de ceux qui savent comment exprimer davantage avec une plus grande économie de moyens. Son sens peu commun des effets tant percussif que timbrique du piano, ainsi que la connexion naturelle qui le relie spirituellement à la musique de Falla, se sont révélés essentiels pour interpréter l’oeuvre de Paulet.
Non moins importante fut l’excellente direction de Kantorow, qui devrait s’investir davantage dans ce domaine avec l’orchestre de Grenade. Réussissant à intégrer les différentes sections de la partition et les remarquables passages livrés aux solistes en une forme unitaire convaincante, Kantorow parvint à optimiser l’effet spectral produit par la superposition des couleurs instrumentales. Paulet, Waleson, Kantorow et l’orchestre Ciudad de Granada furent tout simplement à la hauteur, non seulement de la commande, mais également de la mémoire de Falla.
Jorge Córdoba Moya