pour piano et orchestre
Il s’agit d’une nouvelle version d’ « In memoriam Manuel de Falla », concerto de chambre pour piano et cinq instruments écrit en 1996 à l’occasion du cinquantenaire de la mort du maître espagnol. (La partition reprenait l’effectif du « Concerto pour clavecin ».)
C’est après une lecture de « L’amour sorcier » que les principales idées avaient alors surgi, porteuses d’une étrange symbiose constituée de certains éléments du style de Falla et de mon propre langage. En résulta une partition contrastée, convoquant tour à tour litanies crépusculaires, danses frénétiques et envoûtements nocturnes : cette poétique faite de mesure, toute française, et de cette démesure qui m’a toujours fasciné dans la culture hispanique, est, sans nul doute, une illustration de plus de ce que la musicologue Sylviane Falcinelli, parlant de ma musique, a appelé la « fécondité des contradictions ».
« Otra noche », dont le titre (« Encore une nuit ») fait allusion aux « Nuits dans les jardins d’Espagne » de Falla, a été créé le 26 juin 2007 au palais de Charles Quint (Alhambra), non loin de la maison habitée par Falla, dans le cadre du Festival de Grenade, qui en était le commanditaire. La partition est dédiée à Yvan Nommick, qui, après avoir dirigé la création d’ « In memoriam » à Madrid en 1996, eut l’idée d’en susciter l’orchestration, ainsi qu’aux interprètes de la création : Jonathan Waleson (piano) et Jean-Jacques Kantorow, qui dirigeait l’orchestre de Grenade.
Dans le programme du concert de création, Yvan Nommick apportait les précisions suivantes : « La partition se divise en cinq mouvements : introduction et « Letanía » (Litanie), « Danza » (Danse), « Noche » (Nuit), « Danza », « Adiós » (Adieu). Sa structure formelle, clairement symétrique, correspond au plan A-B-C-B-D ; un matériau mélodique et harmonique très succinct, exposé au cours des premières mesures et développé tout au long de l’oeuvre grâce à un art consommé de la variation, assure son unité. La présence de Falla, suggérée par la tournure mélismatique des différents thèmes et motifs, et la construction de certains accords sur la base de quintes superposées, se révèle pleinement dans le dernier mouvement (« Adiós »), avec la citation du premier accord du passage de « l’Amour sorcier » intitulé « Medianoche » (« Minuit »). La répétition de cet accord, entrecoupée de fragments des mouvements précédents, crée une atmosphère de cloches lointaines qui envahit peu à peu l’auditeur d’une torpeur où le temps semble aboli. »
Juan María Rodríguez (El Mundo), pour sa part, évoque « une rare et fascinante poétique nocturne, assaillie d’épisodes hachés et frénétiques. Oeuvre d’une économie thématique savamment exploitée et d’une beauté extatique à la fois dépouillée et morbide, elle évoque Falla, naturellement, mais aussi Dutilleux et d’autres grands contemporains qui, au bord de l’abîme tonal, ne s’y précipitent jamais. »
Vincent Paulet
2.2.2.2./2.2.0.0./2perc./cordes
composition : 2007
commande du Festival de Grenade
création : 2007, Grenade, Palacio de Carlo V (Alhambra), par Jonatahan Waleson, piano et l’orchestre Ciudad de Granada, dir. Jean-Jacques Kantorow
durée : 18’30
éditeur : Jobert