Piano Magazine, january 2005
COUP de CŒUR
VÉRONIQUE LE GUEN (orgue)
Chœur Les Éléments, dir. JOËL SUHUBIETTE
Vincent Paulet : L’oeuvre d’orgue ; De profundis pour chœur mixte ;
Suspiros pour chœur mixte, ténor solo et quatre cordes
HORTUS 036
Quand retentissent dès le début du disque les accords profonds de tierces graves du De Profundis, que vont perturber avec un sens tragique de poignantes dissonances dictées par les accents du texte et de l’âme, on sait d’emblée que l’on est en présence d’un authentique créateur, capable de retrouver les valeurs éternelles véhiculées par les grands textes latins et d’apporter un éclairage personnel et actuel à l’écriture chorale. Le premier disque monographique consacré au compositeur quadragénaire Vincent Paulet laisse une empreinte émotionnelle indélébile, et on comprend que Joël Suhubiette, l’un des meilleurs chefs de chœur actuels, lui soit fidèle ; il tient d’ailleurs l’atmosphère envoûtante de cette grande œuvre avec une intense concentration. Un autre type de parcours par-delà les siècles anime Laus pour orgue, où l’on part de l’harmonie médiévale pour gagner insensiblement une écriture instrumentale très moderne ; Véronique Le Guen s’y meut avec une aisance confondante et tire le meilleur parti des timbres de l’orgue Pascal Quoirin de Saint-Rémy de Provence. Certes, la formation d’organiste reçue par Vincent Paulet l’aide à trouver les solutions les plus idiomatiques pour soutenir son propos ; il sait repartir du legs historique véhiculé par l’instrument pour apporter sa pierre à l’édifice, ainsi que le montrent les trois autres pièces ici gravées. Véronique Le Guen trouve fort expressivement les voies de ce cheminement inscrit dans un esprit de continuité. L’oeuvre la plus récente, Suspiros sur des poèmes mystiques espagnols, fait ressentir physiquement l’angoisse de la quête pressante de ce Dieu qui ne répond pas ; le chœur s’y adjoint quatre instruments à cordes solistes utilisés de fort judicieuse manière. Un vrai tissu entre solistes vocaux et instrumentaux se noue au fil de cette bouleversante mais impétueuse déploration ; la qualité de chaque pupitre de l’ensemble Les Éléments s’y révèle pleinement ; toute la violence intérieure de la ferveur mystique espagnole est ainsi recréée. La prise de son exploite savamment les acoustiques des églises où le chœur et l’orgue ont été captés, prolongeant les climats suscités par les interprètes. L’année s’ouvre donc par un magnifique programme de musique contemporaine, de ceux qui prouvent indiscutablement qu’un créateur actuel peut toucher le cœur des mélomanes.
Sylviane Falcinelli
VÉRONIQUE LE GUEN (orgue)
Chœur Les Éléments, dir. JOËL SUHUBIETTE
Vincent Paulet : L’oeuvre d’orgue ; De profundis pour chœur mixte ;
Suspiros pour chœur mixte, ténor solo et quatre cordes
HORTUS 036
Quand retentissent dès le début du disque les accords profonds de tierces graves du De Profundis, que vont perturber avec un sens tragique de poignantes dissonances dictées par les accents du texte et de l’âme, on sait d’emblée que l’on est en présence d’un authentique créateur, capable de retrouver les valeurs éternelles véhiculées par les grands textes latins et d’apporter un éclairage personnel et actuel à l’écriture chorale. Le premier disque monographique consacré au compositeur quadragénaire Vincent Paulet laisse une empreinte émotionnelle indélébile, et on comprend que Joël Suhubiette, l’un des meilleurs chefs de chœur actuels, lui soit fidèle ; il tient d’ailleurs l’atmosphère envoûtante de cette grande œuvre avec une intense concentration. Un autre type de parcours par-delà les siècles anime Laus pour orgue, où l’on part de l’harmonie médiévale pour gagner insensiblement une écriture instrumentale très moderne ; Véronique Le Guen s’y meut avec une aisance confondante et tire le meilleur parti des timbres de l’orgue Pascal Quoirin de Saint-Rémy de Provence. Certes, la formation d’organiste reçue par Vincent Paulet l’aide à trouver les solutions les plus idiomatiques pour soutenir son propos ; il sait repartir du legs historique véhiculé par l’instrument pour apporter sa pierre à l’édifice, ainsi que le montrent les trois autres pièces ici gravées. Véronique Le Guen trouve fort expressivement les voies de ce cheminement inscrit dans un esprit de continuité. L’oeuvre la plus récente, Suspiros sur des poèmes mystiques espagnols, fait ressentir physiquement l’angoisse de la quête pressante de ce Dieu qui ne répond pas ; le chœur s’y adjoint quatre instruments à cordes solistes utilisés de fort judicieuse manière. Un vrai tissu entre solistes vocaux et instrumentaux se noue au fil de cette bouleversante mais impétueuse déploration ; la qualité de chaque pupitre de l’ensemble Les Éléments s’y révèle pleinement ; toute la violence intérieure de la ferveur mystique espagnole est ainsi recréée. La prise de son exploite savamment les acoustiques des églises où le chœur et l’orgue ont été captés, prolongeant les climats suscités par les interprètes. L’année s’ouvre donc par un magnifique programme de musique contemporaine, de ceux qui prouvent indiscutablement qu’un créateur actuel peut toucher le cœur des mélomanes.
Sylviane Falcinelli